Voici quelques observations qui m'appartiennent et n'engagent que moi.
Je peux sans crainte de me tromper, après 30 ans d'observations, pouvoir avancer que les larves vivant dans une goutte d'huile (leur servant de nourriture), lâchées en règle générale au mois d'Août (température de l'eau favorable, plancton abondant) par les colonies, tombent non loin de leur lieu de naissance (comme les pommes d'un pommier) et continuent à coloniser la roche.
Quelle roche ?... J'ai vu pousser du corail rouge sur toutes sortes de supports rocheux, mais jamais sur des épaves, très rarement sur des morceaux de poterie antique (amphores dans zones rocheuses, 2000 ans d'âge). J'ai aussi vu des "murs" d'huîtres à grandes profondeurs (80-100 mètres de fond) colonisés par Corallium rubrum.
L'observation des roches coralligènes, appelées dans le jargon "roche biscuit" car cassantes, fragiles et colonisées par nombres d'espèces marines (spongiaires, ascidies, gorgones etc...) permet de déduire qu'au fond, c'est la "crise du logement". Chacune de ces espèces n'a de cesse de se fixer, de croître, de se reproduire... survivre à tout prix ! Et bien sûr se nourrir, car je pense que c'est là la clé de tout ; le corail rouge va proliférer où la nourriture qui lui correspond est abondante.
Les courants marins chargés de plancton et les eaux douces mélangées à l'eau de mer favorisent incontestablement, d'après mes observations, la croissance de cet animal. Celle-ci est d'autant plus accélérée que les courants passant sur la colonie sont persistants et que les polypes peuvent capturer la nourriture.
D'où ma persévérance à accorder, dans un souci de non-profit immédiat, par une pêche sélective, toutes les chances de survie à l'espèce, en laissant toujours quelques branches sur les roches travaillées. Cette cueillette visant à cibler les branches choisies et à les décrocher à l'aide d'une martelette (ressemblant au piolet du géologue), m'a souvent permis de retrouver du beau corail sur les mêmes endroits laissés volontairement en reproduction 3 ou 4 années.
Je pense que la pêche sélective n'est pas nuisible à l'espèce si des "espaces temps" sont respectés pour sa reproduction.
Dans les Bouches de Bonifacio que je connais particulièrement, 70% des roches que j'ai plongé "portaient" du corail rouge.
Les roches de granit sont très aléatoires pour la pêche au corail dans cette zone, seulement 30% de celles-ci environ m'ont donné la satisfaction de pouvoir récolter du corail.
De la même manière, les zones colonisées par certaines espèces de gorgones, vite reconnues dans ces profondeurs, me laissent rapidement prévoir une plongée infructueuse ; certaines éponges parasitant le corail rouge aussi.
Et puis il y a toutes les zones où le corail existe mais est "poreux", colonisé ou plutôt parasité par ce "ver jaune" qui obture le squelette de Corallium rubrum et rend le "minéral" inutilisable en bijouterie car complètement pourri (comme du bois mort tombé dans la forêt)
Hélas, de nombreuses zones rocheuses sont concernées et j'ai toujours délaissé ces zones car le corail en provenant est absolument déprécié.
Je pense pouvoir affirmer que le corail rouge de Méditerranée n'est absolument pas en voie d'extinction.
J'ai vu des murs entiers remplis de corail rouge et des branches encore par terre, jonchant le sol, mortes naturellement avec leurs extrémités encore vivantes. Des zones où des centaines de kilos vivaient et mouraient naturellement avec bien plus de corail en épaisseur sur le fond que sur la falaise !
J'ai récupéré en masse ce corail mort pour finalement ne pouvoir, après un tri sélectif, en exploiter que 10% dans le meilleur des cas, à cause des porosités provoquées par les parasites vivant dans la vase ou le sable et qui "mangent" la matière.
Le plus beau corail que j'ai trouvé se situait entre 60 et 90 mètres de fond. Ces mêmes affirmations m'ont aussi été rapportées par Fausto Zoboli, un fameux corailleur italien, qui a un jour trouvé, devant Rome, par 30 mètres de fond, une pellicule de super 8 colonisée par Corallium rubrum, alors qu'une équipe de CineCittà était venu faire un reportage sur lui !
Comme le corail rouge a toujours attiré la jalousie, les convoitises et les controverses, je m'attends aussi à être critiqué sur ce que j'affirme... et serai prêt à m'en défendre :-) ou à partager d'autres instants de communication.